Autour des mains
Comment soulager des douleurs aigües dues à des calcinoses situées au bout des doigts, à fleur de peau ? Existe-t-il des crèmes antalgiques locales, ou autres traitements médicamenteux ?
On cherche le traitement des calcinoses depuis cinquante ans et, pour l’instant, à part la chirurgie, on n’a pas trouvé grand-chose. Si la calcinose se surinfecte, un traitement antibiotique est utile, le plus souvent les germes en cause sont les staphylocoques de la peau et par conséquent pristinamycine, oxacilline, fucidine, rifampicine sont parmi les molécules utilisables.
Les traitements antidouleurs sont efficaces, mais pas longtemps, donc il faut les renouveler souvent (ex. paracétamol = 4 à 6h, tramadol = 8h, aspirine = 4 à 6h, codéine et dérivés opiacés = 4 à 12h selon les produits). Les crèmes antidouleur locales (Algésal° Voltarène Emulgel°, Versatis°) peuvent être utiles.
On considère que les traitements de fond de la sclérodermie, notamment les inhibiteurs calciques, le méthotrexate, l’hydroxychloroquine, les vasodilatateurs, contribuent à réduire la formation de calcinoses, car celles-ci sont au départ des précipitations de calcium sur des zones de tissus ischémiques, c’est-à-dire mal irriguées à cause de la sclérodermie.
Quelle est la différence entre calcinose et calcifications ?
Calcinose et calcification sont synonymes. S’il y a un doute diagnostic, ce sont de petits amas de calcium qui sont très faciles à voir sur les radios des mains. Ils peuvent rester quiescents, mais parfois ils s’éliminent à travers la peau sous forme d’une boue crayeuse et à cette occasion ils peuvent s’infecter avec les microbes de l’extérieur ; cela provoque de façon assez caractéristique un écoulement de pus jaune et des manifestations inflammatoires locales (douleur, rougeur, chaleur locales) qui méritent un traitement antibiotique dirigé vers les staphylocoques (Orbénine, Bristopen, Pyostacine, Fucidine, ou autre).
Dans tous les cas, ce sont des problèmes de peau qui témoignent de la mauvaise irrigation due à la sclérodermie et leur cicatrisation est lente, les pansements doivent être souvent conservés longtemps.
Un Raynaud devient-il forcement une sclérodermie ?
Non, la très grande majorité des personnes atteintes de syndrome de Raynaud n’aura jamais de sclérodermie.
Chez la femme, le phénomène de Raynaud est le plus souvent isolé et primitif, dans un bon nombre de cas, il s’atténue et peut disparaître.
Chez l’homme, les causes les plus fréquentes sont des maladies professionnelles.
Cependant, le phénomène de Raynaud peut être le premier signe de sclérodermie ce qui justifie son dépistage systématique par des examens simples, mais dans la grande majorité des cas, les examens seront négatifs…
A quoi sert l’iloprost ?
C’est un produit capable de fermer des ulcérations sclérodermiques, qui a une efficacité supérieure quand on l’administre à la carte et non pas systématiquement. Les effets indésirables sont importants, il doit donc être donné en milieu hospitalier.
L’iloprost n’a pas d’effets musculaires connus, c’est un pur dilatateur de vaisseaux avec un effet antiplaquettaire, sans plus. Les maux de tête et rougeurs de peau qui sont classiques au cours de la perfusion disparaissent en cinq minutes à la fin de celle-ci.
Que peut-on faire contre la sclérodactylie ?
Sur la sclérodactylie, il n’y a pas de traitement miracle mais la kiné, la protection du froid, les médicaments pour dilater les artères notamment les inhibiteurs calciques, éventuellement l’iloprost sont intéressants.
Comment éviter et traiter les ulcères récidivants aux doigts ?
Il faut rappeler à cette occasion :
- le rôle aggravant du tabac, du froid, de l’amaigrissement, de la déshydratation, qui aggravent l’insuffisance artérielle ;
- le rôle améliorant du chaud, des médicaments inhibiteurs calciques (nifedipine = Adalate° , nicardipline = Loxen°, amlodipine = Amlor° et autres molécules de la même classe), des vaso-dilatateurs (ilomédine°= iloprost) ;
- il y a une présomption d’efficacité concernant le sidenafil (Viagra°, Revatio°) et le tadalafil (Adcirca°) qui sont aussi des médicaments dilatant les vaisseaux en bloquant la phosphodiestérase de type 5 ;
- généralement, il n’y a pas d’indication à un geste chirurgical de revascularisation ou d’opération quelconque dans la sclérodermie, mais au cas par cas, cela peut être discuté, notamment si l’ulcération vient sur une calcinose ou sur une saillie osseuse qu’un chirurgien pourrait corriger ;
- dans certains cas, il faut vérifier que les grosses artères du bras ou de l’avant-bras, voire du poignet ne sont pas obstruées partiellement ou totalement car cela aussi pourrait être traité ;
- bien que des caillots de sang dans les artères puissent participer à l’obstruction de celles-ci, cela n’est généralement pas le cas dans la sclérodermie ; cependant dans certains cas des améliorations ont été publiées après traitement visant à dissoudre les caillots localement ;
- enfin, il faudrait vérifier s’il n’y a pas, dans le sang, d’anomalie comme une protéine coagulant au froid (cryoglobuline) ou une autre anomalie qui prédisposerait à l’obstacle à l’écoulement du sang, qui pourrait être traitée ; le Rhémacrodex° a été remplacé par d’autre molécules pour améliorer la fluidité et le volume du sang comme le Plasmion° ou le Voluven°.
Bref, dans le cas d’ulcère récidivant à un doigt, je conseillerais une évaluation experte avec visualisation des artères et recherche de cryoglobulinémie, puis une intensification du traitement avec au moins perfusion d’ilomédine prolongée (jusqu’à 4 semaines).
Qu’en est-il du traitement des ulcérations par le caisson hyperbare ?
Il ne présente aucun intérêt dans le traitement de la sclérodermie. Il a été utilisé pour certains types de gangrène, mais même dans le traitement du pied diabétique, il n’a pas prouvé d’efficacité.
Est-ce que toute blessure même bénigne peut se transformer en ulcère ?
Il est évident que les mains des sclérodermiques sont fragiles, car il y a le problème vasculaire sous-jacent et que tout traumatisme aussi petit soit-il, qui cicatrisera très facilement chez n’importe qui, peut mettre plus de temps chez un sclérodermique.
C’est pourquoi, nous vous donnons tous des conseils de protection avec des gants, d’éviter le maximum de traumatismes sur vos mains : jardinage bricolage, brûlure, coupure, etc. peuvent entraîner une blessure qui peut devenir un ulcère digital. Je ne dis pas qu’il ne faut plus rien faire ; au contraire, mais en étant vigilant et en prenant des précautions !
Pourriez-vous nous dire un petit mot sur la prise en charge des calcinoses ?
C’est la problématique que nous avons le plus de mal à résoudre dans la sclérodermie. Les calcinoses surviennent chez 20 à 25% des patients. Elles se localisent le plus souvent sur la pulpe des doigts, mais peuvent survenir partout. Bien que l’on ne sache pas bien pourquoi et comment elles se forment, on sait cependant que ce sont les personnes qui présentent des problèmes vasculaires qui développent en principe ces calcinoses. Aujourd’hui, face à une calcinose, il n’existe pas de traitement qui va la faire disparaître de façon certaine. On utilise la Colchicine, la Dépénicillamine, les anti-coagulants… Mais aujourd’hui, aucun traitement n’a une efficacité démontrée sur les calcinoses. On essaie quelquefois certains traitements tout en restant prudent, car il ne faut pas qu’il y ait des effet secondaires trop importants. Ce qui est déterminant pour nous faire intervenir sur une calcinose est : y a-t-il une ulcération ? Est-ce que la peau est rompue et qu’il en sort soit une pâte qui ressemble à de la pâte à dentifrice, soit un caillot ? Et surtout y a-t-il une surinfection ? (souvent le signe d’une surinfection est lorsque ça bat dans le doigt la nuit) ? Et s’il y a des complications des calcinoses telles que des traumatismes répétées à cause de l’endroit où se situent les calcinoses, alors on demande à un chirurgien, prudent et expérimenté, de retirer le plus gros des calcinoses, mais pas tout car cela ne sert à rien, en espérant que les calcinoses ne réapparaîtront que le plus tard possible ou qu’elles ne réapparaîtront pas. Il faut surtout être très précautionneux et ne pas vouloir tout retirer, car ce n’est pas utile s’il n’y a pas de symptômes gênants pour le patient. Il n’y a pas longtemps nous avons eu un espoir avec un médicament appelé Thiosulfate de sodium( (sous forme de pommade) qui avait été testé pour les calcinoses auprès de personnes qui ont des hémodialyses (les dialysés chroniques insuffisants rénaux), mais les résultats ont été très décevants et il n’y a pas de démonstration que cela soit efficace.
Que faire pour les ongles déformés au bout des doigts ?
Parfois la déformation des ongles est due à des atteintes spécifiquement sclérodermiques de la troisième phalange : notamment si la pulpe ou l’os (la phalangette) de celle-ci a été réduite par des nécroses, l’ongle n’est plus soutenu par l’os et le tissu environnant et se courbe vers la face palmaire. Quelquefois il s’agit d’un champignon qui s’installe dans l’ongle et provoque un ternissement et un épaississement friable de celui-ci : un prélèvement au laboratoire d’un fragment permet de l’isoler et de décider d’un traitement local ou (si la matrice, la racine de l’ongle est atteinte) général. Couper et parer l’ongle, faire des soins des ulcérations des doigts, enlever éventuellement une calcinose gênante, etc. Ce sont des actes spécialisés pour lesquels une consultation d’orthopédie spécialisée dans les mains et les pieds est précieuse.